Le Conseil permanent des écrivains* (CPE) et la Fédération des éditions indépendantes (FEDEI) prennent acte du décret no 2024-313 du 5 avril 2024 modifiant le régime de publicité télévisée et rendant possible, pendant une période de deux ans, la publicité pour le secteur de l’édition littéraire.
Le CPE et la FEDEI ont répondu fin mars à la consultation publique sur le sujet, en faisant part de leur opposition à toute modification des dispositions relatives à l’interdiction de la publicité pour le livre à la télévision. Les conséquences d’une telle mesure sont connues et ont déjà été largement documentées :
– Étant donné le coût d’achat et de production d’un spot de publicité à la télévision, les grandes maisons d’édition, de manière à rentabiliser un tel investissement, risquent de se concentrer sur quelques titres uniquement, dont le succès commercial est déjà assuré ; cela va accentuer le phénomène de « best-sellerisation » au détriment de la visibilité de la diversité éditoriale.
– Le groupe Vivendi, seul acteur présent à la fois sur le marché de l’édition et de la télévision, se trouvera en capacité de restreindre l’accès au marché de la publicité télévisée à ses concurrents par des tarifs prohibitifs, afin de privilégier les maisons de sa filiale Hachette. Cette situation risque de créer une distorsion de concurrence entre les acteurs du marché de l’édition et de venir renforcer la concentration déjà très élevée dans le secteur.
– Le CPE et la FEDEI notent, par ailleurs, que la publicité pour le livre est autorisée depuis 2004 sur les chaînes du câble et du satellite. Or il faut constater qu’aucun éditeur, si ce n’est de manière très marginale ou expérimentale, ne s’est saisi de cette possibilité.
– Le transfert vers la télévision des investissements publicitaires des éditeurs de livres de la presse généraliste ou spécialisée qui en bénéficient actuellement, mettra en difficulté les acteurs de la presse imprimée, dans une position économique déjà fragile.
– Ces sommes injectées par les maisons d’édition pouvant investir dans des spots publicitaires accentueront le déséquilibre actuel du partage de la valeur entre certains éditeurs et auteurs. Elles pourraient être consacrées de manière plus judicieuse à la revalorisation de la rémunération des auteurs et autrices, à l’heure où leur précarisation ne cesse de croître.
Pour toutes ces raisons, le CPE et la FEDEI jugent cette expérimentation inutile et manifestent leur vive inquiétude quant à l’application de ce décret. Ils souhaiteraient que les pouvoirs publics engagent une réflexion sur d’autres moyens à mettre en oeuvre pour défendre la diversité éditoriale et la richesse de la création française, dans le domaine du livre au sein du monde audiovisuel.
* ADAGP, ATLF, Cose-Calcre, EAT, Maison de Poésie, Pen Club, Sacem, SAIF, SAJ, Scam, SELF, SGDL, SNAC, Union des Poètes, UPP.